Histoire de l’haltérophilie canadienne, en bref.
La Fédération d’Haltérophilie Canadienne fut d’abord sous la gouvernance de l’A.A.U. (Amateur Athletic Union of Canada) de 1947 à 1959. Elle est fondée officiellement en 1960 sous l’acronyme de CWFHC et compte aujourd’hui plus de 3000 membres actifs.
L’haltérophilie est une discipline olympique depuis les premiers jeux modernes de 1896. Elle est également présente au programme des Jeux du Commonwealth et Jeux Panaméricains.
Les mouvements en haltérophilie, tels qu’on les connait aujourd’hui, sont introduits pour la première fois aux Jeux Olympiques de 1928. À ces Jeux et à tous les Jeux subséquents, jusqu’en 1972, il y a trois levers olympiques, soit le développé, l’arraché et l’épaulé-jeté. À partir de 1972, le développé est retiré pour faire de l’arraché et de l’épaulé-jeté les deux mouvements de l’haltérophilie olympique.
Durant de nombreuses années, l’haltérophilie est un sport réservé aux hommes du point de vue compétitif. C’est en 1987 que le premier championnat du monde féminin d’haltérophilie se déroule. Les premiers Jeux Olympiques présentant l’haltérophilie féminine sont ceux de Sydney 2000. Maryse Turcotte, la seule représentante féminine canadienne lors de cet événement, est la première femme canadienne à participer aux Jeux Olympiques en haltérophilie. Elle termine 4e dans la catégorie des 58 kg et moins.
Les catégories de poids en haltérophilie ont été modifiées à plusieurs reprises au cours de l’histoire. Aujourd’hui, les hommes et les femmes sont respectivement divisés en 10 catégories :
Femmes : 45, 49, 55, 59, 64, 71, 76, 81, 87, 87+ kg
Hommes : 55, 61, 67, 73, 81, 89, 96, 102, 109, 109+ kg
Le Canada a été et est toujours détenteur de plusieurs athlètes brillants. En 1952, G. Gratton remporte une médaille d’argent aux Jeux olympiques d’Helsinski. En 1953, Doug Hepburn remporte le championnat du monde dans la catégorie des poids lourds à Stockholm. En 1984, Jacques Demers décroche l’argent dans la catégorie des 75 kg aux Jeux olympiques de Los Angeles. Finalement, l’haltérophile Christine Girard, qui avait terminé 4e aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et médaillée de bronze aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, s’est vu mériter en 2016 la médaille de bronze pour Pékin 2008 et l’or pour Londres 2012 à la suite d’offenses de dopage de ses compétitrices révélées tardivement. Ces résultats font de Christine la première championne olympique ainsi que la première double médaillée olympique de l’histoire de l’haltérophilie canadienne.
À ce jour, les meilleures performances canadiennes féminine et masculine de l’histoire sont attribuées à Christine Girard, avec un total de 238 kg chez les 63 kg en 2011 pour un pointage Sinclair de 311,92, et à Boady Santavy, avec un total de 384 kg chez les 96 kg en 2019 pour un pointage Sinclair de 432,47.
Références:
MARCELLA LECLERC
« Une place, ça ne se demande pas, ça se prend! »
Marcella Leclerc est une pionnière de l’haltérophilie féminine au Canada. Elle a accepté avec enthousiasme de s’ouvrir à WCH pour parler de son parcours sportif en tant que première femme au Canada à pratiquer l’haltérophilie compétitive. Nous la remercions grandement pour sa générosité. Il est à noter qu’elle a été connue sous le nom de Marcelle Leclerc durant sa carrière d’haltérophilie, mais depuis une trentaine d’année, elle utilise le prénom Marcella. Voici, brièvement, son histoire…
C’est en 1980 que Marcella Leclerc débute l’haltérophilie. Âgée de seulement 14 ans, elle fait partie de l’équipe féminine de rugby de son école secondaire. Le rugby étant un sport atypique chez les femmes de son âge à cette époque, son équipe doit se mesurer aux équipes collégiales pour pouvoir participer à des tournois. Afin qu’elle et ses coéquipières puissent être plus compétitives avec ces femmes de 6 ans leurs ainées et plus massives de 50 lbs, le professeur d’éducation physique responsable tente de les inciter à s’entraîner en haltérophilie. 18 des 20 filles de l’équipe déclinent l’offre, sous prétextes qu’elles ne sont pas assez fortes et que l’haltérophilie est pour les hommes. Marcella est curieuse de nature et adore essayer de nouvelles choses. Elle est sportive dans l’âme. En plus du rugby, elle pratique à ce moment la danse, l’athlétisme au niveau provincial (3000 m), et joue même parfois à la crosse avec son frère. Elle accepte de débuter l’entraînement avec une seule des autres joueuses.
Le local d’entraînement est de la grosseur d’une cabane à jardin. Il y a deux plateformes et deux ou trois barres (des barres de 20 kg, aujourd’hui considérées comme les barres d’hommes). Elle effectue quelques épaulé-jetés et apprend vite la technique. C’est si naturel que le professeur lui demande si elle a déjà fait cela auparavant. Elle a tout de suite la passion de ce sport de force. Environ deux ans plus tard, elle décide de se concentrer uniquement sur l’haltérophilie. Elle a encore un grand amour pour la danse, mais son entraîneuse lui mentionne souvent qu’elle n’a plus le corps pour être gracieuse en danse classique parce que sa musculature commence à se développer. Elle rejoint les rangs du Club d’haltérophilie Les Spartiates de Valleyfield. Un athlète de l’équipe canadienne, Alain Roy, s’y entraîne, et il aide Marcella en lui faisant des programmes d’entraînement et un peu de correction technique.
En septembre 1984, à tout juste 18 ans, Marcella a un plan. Elle veut quitter Valleyfield, trouver un programme d’études ailleurs, dans une ville où elle pourrait s’entraîner plus adéquatement en haltérophilie. Elle choisit le programme de radiothérapie au Collège Ahuntsic à Montréal, afin de pouvoir s’entraîner au Centre Claude-Robillard, où l’équipe nationale masculine d’haltérophilie s’entraîne. Elle peut désormais bénéficier de l’encadrement de l’entraîneur Pierre Roy. Sa technique s’améliore de façon fulgurante. À ses débuts à ce centre d’entraînement, elle ne se sent pas unanimement accueillie à bras ouverts dans ce milieu masculin. Elle évalue à ce moment l’opinion des autres membres du club ainsi : 50% en faveur de l’haltérophilie féminine, 10% d’indifférents et un 40% qui s’opposent à sa participation dans ce sport. Mais Marcella est une femme de caractère, et elle ne se laisse pas décourager ou intimider. De plus, elle peut compter sur certains hommes de l’équipe nationale qui l’encouragent, tels que Jacques Demers, Denis Garon, Guy Greavette et Langis Côté. Ce dernier est d’ailleurs encore un bon ami à ce jour.
Le 8 mars 1985 (Journée Internationale de la Femme), Marcella participe aux Jeux du Québec à La Sarre. Étant la seule fille à pratiquer l’haltérophilie compétitive, elle se mesure aux garçons d’égal à égal. Elle termine 7e sur 15 participants.
En 1986, l’entraîneur Augustin Brassard la prend sous son aile. Ayant fait les mêmes programmes d’entraînement, très chargés en volume et en intensité, que les hommes toute sa carrière jusqu’à ce moment, elle voit une belle amélioration lorsque M. Brassard adapte ses programmes à sa capacité de récupération personnelle.
En mars 1986, la première rencontre internationale féminine d’haltérophilie est organisée en Hongrie. Le Président de la Fédération d’Haltérophilie du Québec parle de cette opportunité à Marcella, mais la Fédération Canadienne d’Haltérophilie avait déjà planifié mettre son budget dans certaines compétitions pour l’Équipe Nationale masculine et décline l’offre en expliquant qu’elle ne peut se permettre d’envoyer une équipe féminine à cette compétition. Déterminée à y participer, Marcella appelle la Fédération Internationale d’Haltérophilie. Quelques jours plus tard, la CWFHC débloque des budgets et annonce qu’elle enverra deux femmes à cet événement : Marcella Leclerc et Manon Ratelle (Club Gros-Bill, Québec). Cette compétition sera le moment le plus marquant de la carrière de Marcella, qui n’avait jamais voyagé en avion avant. Avec un arraché de 57.5 kg et un épaulé-jeté de 72.5 kg (record canadien) dans la catégorie des 56 kg et moins, elle obtient le 1er rang au classement Sinclair. Marcella n’est pas forte de nature, mais elle se démarque grandement par sa technique comparée aux leveuses des autres pays. À la suite de cette compétition, elle fait la une du prestigieux magazine World Weightlifting. L’haltérophilie féminine prend un nouveau tournant au Canada. Elle est exposée comme jamais auparavant dans les médias tels que La Presse et Radio-Canada. Marcella est qualifiée partout de « championne du monde ». Toute cette publicité aide à faire reluire l’image de l’haltérophilie au pays, ternie quelques années plus tôt par des scandales de dopage.
Marcella participe dans sa carrière à trois Championnats du Monde, soit à Daytona Beach en 1987, à Jakarta en 1988 et à Budapest en 1990. Trois mois avant sa participation à ce dernier, elle se retrouve au pied du mur, sans entraîneur. Sa performance n’est malheureusement pas à la hauteur de ses attentes, mais elle garde de bons souvenirs de cette compétition prestigieuse. Les haltérophiles féminines avaient énormément évolué techniquement et en frais de force, comparément à l’invitation internationale de 1987. L’organisation était également de bien meilleure qualité.
Lorsqu’on lui demande ce qu’elle ressent en regardant l’évolution que l’haltérophilie féminine a eu au Canada de son époque jusqu’à aujourd’hui, un mot lui vient en tête : FIERTÉ! Pour elle, l’haltérophilie est un sport extrêmement complet, qui requiert des capacité athlétiques et mentales extraordinaires. C’est aussi un sport qui est, selon elle, encore trop sous-estimé et méconnu. Lorsqu’elle voit ces femmes athlétiques, avec de belles techniques, qui ne renient pas leur féminité dans ce sport de force, elle trouve cela magnifique.
Le message qu’elle souhaite laisser s’adresse aux filles et femmes haltérophiles ou qui souhaitent débuter : « C’est dans mon tempérament depuis toujours. Pour moi, il n’y a aucune activité qui soit davantage pour les hommes ou pour les femmes. Les haltérophiles féminines n’ont rien volé à personne. La place que nous occupons aujourd’hui, elle nous revient de droit. Il ne faut jamais s’en vouloir de prôner pour l’équité. Beaucoup de portes se sont ouvertes, depuis les 40 dernières années, et malgré qu’il reste encore du travail à faire, il n’y a aucune porte qui restera fermée à jamais. L’important est de ne rien prendre pour acquis. Il faut continuer d’exiger. Une place, ça ne se demande pas, ça se prend. Je n’ai jamais considéré mes collègues haltérophiles féminines comme des rivales ou des ennemies. Il faut éviter de travailler l’une contre l’autre. Il faut joindre nos efforts pour faire avancer le sport. »
Marcella suit toujours l’haltérophilie sur les médias sociaux, tout spécialement cette été les haltérophiles qui ont représenté le pays aux Jeux Olympiques de Tokyo. Elle a l’intention de renouer avec l’haltérophilie en s’impliquant, d’ici les prochaines années, à titre d’officielle.